La ville.

Publié le par bouchareb

L’expression  matérieFig6-400-apam--esyrie.jpglle de la cité s’élabore par l’ordonnancement et la repartition des lieux affectés aux  diverses activités sociales et religieuses : la ville.


En inscrivant sur un espace son lieu sacré, la cité matérialise le cadre spatial qui constituera le support de sa présence et de son existence : la ville. Toutefois, dans certain cas, l’existence de la cité, peut se passer d’un territoire propre ou de  la ville même (en tant que structure matérielle), c’est le cas des sociétés nomades: la cité devient « errante ».

Si la cité est l’association de familles ou de phratries , « La ville, (c’)est le lieu où se trouve le sanctuaire de la cité .»1

Si la cité est une union « conventionnelle », religieuse initialement, puis  politique , la ville est fondée religieusement, en faisant appel à un certain nombre de rituels.

Ces derniers consistent en le traçage d’un sillon délimitant la zone sacrée, celle des dieux à l’intérieur et celle des étrangers.


La fondation de Carthage et de Rome s'était accomplie  suivant un mythe « fondateur ». Si Edissa, fuyant Tyr et les assyriens, faisant preuve de perspicacité, avait dispersé les bouts de la peau de vache accordée par un roi local (sur la côte africaine), correspondant à l’étendue du territoire d’asile consenti, celle de Rome avait débuté par un fratricide, (Romulus tua son frère Rémus), signifiant la sacralité de sa ville et sa défense contre toute incursion 

Les habitants gardent jalousement l’histoire des conditions de fondations de leurs villes et les noms de leurs fondateurs.

« Une ville, chez les anciens, ne se formait pas à la longue, par le lent accroissement du nombre des hommes et des constructions. On fondait une ville d'un seul coup, tout entière en un jour » 2

La ville était le lieu de protection des particularités religieuses et des biens.

En effet, dans les anciens textes, la « première » qualité d’une  ville est toujours ramenée à ses remparts et à ses fortifications, matérialisation du sillon fondateur. C’est ce point qui la différencie du village.

Cette muraille est le premier signe d’une territorialisation . « En mésopotamie les premiers remparts  datent de la fin du IVe millénaire et leur édification s’est généralisée durant le IIIe millénaire, à l’époque où apparaissent les premières armes spécialisées, les armes de « guerre »,  les troupes organisées et les cités-Etat" .3

Il convient de relever que dans le besoin de défense, l’effort collectif appelle des relations et un investissement de tous les habitants. Il y a là un système de groupement aboutissant à la longue à « une société complexe » qui avait jugé que l’echelon individuel est impuissant pour faire face à certaines difficultés. Ce regoupement s’appuie également sur le patrimoine commun, englobant surtout les divinités et les noms des fondateurs.

En conclusion « une vraie ville doit refleter une structure politique et sociale organisée  et hiérarchisée. Elle témoigne d’un certain degré de developpement économique et social et atteste que les hommes qui l’habitent, comme ceux de la région qui l’entoure ont instauré entre eux des relations d’un type nouveau .»  4

Nous remarquons que la ville, comme structure physique habitée, avait besoin de l’apport de la région qui l’environne. La ville possédait ses « terres utiles », ses forêts, ses paturages et ses ports, unique moyens d’assurer son  autonomie. Ainsi la question de polarisation et de régionalisation a été consécutive à l’apparition de la ville. Ces évolutions interviennent souvent après que les « mythes » fondateurs rejoignent le patrimoine commun et la mémoire collective.

 

La cité chez les philosophes anciens

Un détour rapide chez les philosophes anciens laisse constater que la « question urbaine » était déjà à l’ordre du jour mettant en prise des thèses opposées.

Car les cités étaient également les lieux des conflits et de luttes pour le pouvoir entre les « nobles » et le peuple ou entre grandes familles. C’est dans cette situation qu’interviennent les « tyrans » et les législateurs pour établir un équilibre souvent précaire.

Le principe de la cité, en rejoignant les registres de la philosophie et des conceptions rationnelles, s’appuie sur l’ordre moral et esthétique lui-même instituant des régimes, inspirant des statuts politiques , idéologiques et démocratiques (invention grecque) et isonomiques comme assujettissement aux lois.

Initié par Platon dans sa « République », le thème de la cité comme ordre idéal aussi bien social que politique doit viser le « juste », favorisant le développement de l’homme « juste ». La Cité Idéale est une construction issue du monde des « Idées » et visant une adéquation avec le rationnel regroupant le Beau et le Juste en tant que principe moral et esthétique.

En « urbaniste », Platon produit son modèle ;  aux antipodes d’Athènes.  Influencé par Pythagore, il inscrit  sa proposition dans le cosmos par sa forme circulaire divisée en douze parts, convergeant vers le centre religieux. Le souci d’égalité se traduit par la ressemblance des rues et des maisons….L’ordre moral conduit jusqu’au bannissement de la musique sentimentale et des…poètes.

Cette vision propose un modèle fonctionnaliste ou le partage des populations et des rôles conduit à un procédé « mécaniste ».

La cité est un fait de nature. Telle est le principe fondamental annoncé par Aristote, qui oriente la finalité de ce fait vers la procuration du « Bonheur ». Le discours humaniste d’Aristote dans sa « Politique » revoie à la suite logique et naturelle de l’organisation sociale.

Cette approche semble valoriser uniquement la spontaneité au détriment de la convention (ou du « contrat » selon le terme rousseauiste) qui est le propre des société humaine.

Aristophane, poète cynique,  par dérision,  intervenait  à la suite pour récuser les interdits de Platon . 

Dans les « guêpes », il faisait dire à un son personnage , Meton, Achitecte « je prendrai mes dimensions avec une règle droite et je l’appliquerai de manière à introduire un cercle dans un carré. Au centre il y aura une place publique où aboutiront des rues droites, convergent vers le centre même, et d’un astre, lui-même rond, partiront en tous sens des rayons droits ».

Dans ces developpements philosophiques, les approches urbanistiques faisaient leur apparition, en se basant sur les apports de la géométrie en particulier et des mathématique en générale.

La première oeuvre urbanistique a été conçue par Hippodamos, qui, après la dévastation de Milet,  causée par les perses  au début du Ve Siècle,  avait en charge de reconstruire la ville. Ce mathématicien, s’appuyant sur une croyance où le chiffre trois  et le triangle étaient sacrés, élabora le programme de sa ville selon trois « entités »: les dieux, l’Etat et l’Individu. La république était également divisée en trois classes : les laboureurs, les artisans et les soldats.

Le plan élaboré par Hippodamos est un quadrillage parfait s’étalant sur deux kilomètres pour l’établissement de 80 000 habitants. Ce plan orthogonal fut par la suite adopté par les romains dans le camps militaires et des villes de vétérans.

La conception hippodaméenne définit des zones d’habitation dotées chacune des espaces affectés aux fonctions principales : marché, port, citadelle (miltaire) et temples. L’agora est implantée au centre de la ville. Le plan poursuivait une cadastration régulière, formée par des voies longitudinales et transversales délimitant des insulae identiques. Cette conception dénote une organisation spatiale prenant en considération les conditions sociales et politiques en respectant le mythe du nombre.

 

La notion de cité est bien antérieure à celle de ville. Cette dernière fournit les principaux « décodeurs » à une lecture urbaine. La cité et la ville sont donc des notions étroitement liés, l’approche de l’une peut se faire à partir de l’autre. Ce sont les constituants fondamentaux de l’urbain.

Ainsi, une lecture du fait urbain, passe initialement par l’institution des « topies fondamentales »,  coincidant avec le « zéro initial » , la « pure nature » et la présence de populations « relevant de l’ethnologie et de l ‘anthropologie » 5

Ces « topies » ont constitués la « grille » à un structuration mentale de l’espace, où les espaces étaient affectés aux divinités et les limites signifiaient le domaine du sacré et du profane.

La ville politique, celle « du citoyen » regroupant les religieux, les guerriers, les commerçants, les administrateurs et les princes s’imposait comme une première conception rationnelle ou la démocratie ou l’isonomie s’érigeait en principe idéologique. 

Cette situation s’accomoda de l’écriture comme « ordre, ordonnance et pouvoir ». Car, la notification du droit de propriété et des cadastres, « performances relationnelles » de l’écriture avaient favorisé l’appui sur les conventions, établissant ainsi un ordre politique et social d’un nouveau type. La civilisation faisait son apparition et la ville devient son receptacle. Cette dernière s’était faite une « image »…

Dans ce processus historique, la nécessité et l’intensité des échanges avaient favorisé la prégnance de la vocation commerciale des villes. Ainsi, l’agora et le forum étaient supplantés par les marchés… La ville acquiert un statut de centre polarisant la région qui l’entoure, étant un marché ouvert aux campagnes. Ce qui lui procure en plus de ce statut, celui de concentrer le pouvoir .

Cette hégémonie urbaine appropriée par l’Etat, appuyée par l’apport des « intellectuels », enveloppe la ville dans un statut de totalité transcendante et une fatalité civilisationnelle. le principe « sacré » de la fondation des cités dans cette évolution, ne trouve son utilité que dans la mnémonique collective autour d’une « origine commune », souvent employée pour faire face à des crises (guerres…)

Les villes developpent des principes, des conventions et des modes administratifs (en fonction des rapports de forces et des conjonctures) pour la gestion des affaires de la cité.

Plus tard la cité revenait comme une préoccupation incontournable chez les utopistes. Aussi bien pour Th.More que pour Ch.Fourrier, la ville n’intervenait que pour consacrer les conceptions sociales et économiques de la cité. Aujourd’hui , cette préoccupation est appelée « bonne gouvernance », faisant référence à la citoyenneté et à la participation effective des habitants…

Est-ce un retour de la res publica ?

 

 


1 RAGON M. ibid en p.8

2 Fustel de COULANGES  ibidem 
3 HUOT J-L . Naissance des cités. Ed.Nathan.Paris. 1990. en  p.2
4 HUOT J-L idem.p.26 
5
 Voir LEFEBVRE.Revolution urbaine.Ed.Gallimard/idée.Paris.1970.

A.BOUCHAREB

Publié dans CITES ET VILLES

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